Qu’est-ce qui fait qu’au collégial, les étudiants d’une institution comme Brébeuf réussissent mieux que ceux d’un autre collège? Voilà une question importante, surtout ces années-ci où les dépenses en éducation doivent plus que jamais être investies de manière judicieuse.

Posée autrement, la question revient à ceci: Comment expliquer qu’à dossier scolaire égal au secondaire, un étudiant qui fait ses études à Brébeuf a deux fois plus de chance d’obtenir son DEC (diplôme d’études collégiales) en durée prévue, soit en deux ans, que s’il les entreprend ailleurs dans le système collégial québécois.

Un projet de recherche dirigé aux États-Unis par le Dr George Kuh, professeur à l’Université de l’Indiana, nous donne quelques intéressantes pistes de réflexion pour répondre à ces questions. L’étude publiée en 2005 sous le titre Student Success in College : Creating Conditions That Matter a été réalisée dans une vingtaine de collèges dont les étudiants réussissent particulièrement bien en termes de persévérance dans les études et de diplomation. Il ne s’agit pas ici d’institutions prestigieuses comme celles de la Ivy League dont on attend de toute manière des résultats élevés, mais à des collèges ou à des universités comme l’Université George Mason, l’Université de Miami, le Sweet Briar College ou le Macalester College dont les étudiants, qui n’ont pas été sélectionnés de manière aussi serrée qu’à Harvard ou Princeton, réussissent cependant particulièrement bien.

Sans parler de recettes, quelles sont les clés de la réussite de ces institutions? Peut-être que certaines des bonnes pratiques observées aux États-Unis pourraient nous intéresser, au Québec.
D’abord et avant tout, les écoles américaines qui ont su développer une culture de la réussite sont celles qui suscitent l’engagement de l’étudiant. Ce dernier sera donc enclin à consacrer du temps et de l’énergie à ses études, mais aussi aux autres activités que son collège lui offrira, ces activités lui permettant d’enrichir ses apprentissages strictement scolaires.

Pour que cet engagement de l’étudiant soit au rendez-vous, il est d’abord nécessaire que les attentes envers le nouvel étudiant soient élevées, qu’elles soient claires et que les moyens pour les atteindre soient connus et accessibles. La recherche menée par l’équipe du Dr Kuh montre en effet que ce n’est pas en nivelant par le bas qu’on suscite l’adhésion de l’étudiant pour ses études. C’est au contraire en maintenant les exigences à un niveau élevé tout en offrant des mesures d’appui qu’on l’encourage à prendre ses responsabilités et à s’investir dans son travail scolaire.

L’institution collégiale qui encourage l’engagement de l’étudiant envers son propre succès, c’est aussi celle où, nécessairement, les énergies de tous, celles des professeurs bien sûr mais aussi celles de l’ensemble du personnel et de la direction, sont tournées vers la qualité de l’éducation et le succès de l’étudiant. On conçoit dès lors qu’un collège ne doit pas être une simple boîte à cours ni un lieu où des groupes d’intérêt s’affrontent; il doit plutôt s’agir d’un milieu vivant qui agit en soutien à l’étudiant, et cela, tout aussi bien pour les affaires scolaires que pour les projets parascolaires et les activités sportives. Car c’est aussi par le biais du sport et du parascolaire que l’école devient un lieu signifiant pour l’étudiant.

Le Dr Kuh insiste également sur la nécessité, pour un collège, de se doter d’un énoncé de mission clair, partagé par tous, qui permette à l’institution de posséder un point de repère dans le quotidien, lui évitant ainsi de se disperser dans des directions diverses.

Enfin, l’étude du Dr Kuh insiste sur l’intérêt des approches pédagogiques favorisant l’apprentissage actif et la collaboration entre les étudiants, ainsi que sur la nécessité d’une culture d’amélioration continue, à la fois chez les professeurs et chez les autres membres du personnel.

Bien entendu, les réalités américaines et québécoises ne sont pas les mêmes, mais il me semble que le travail du Dr Kuh, développé dans Student Success in College : Creating Conditions That Matter, permet de mieux identifier certains des ingrédients de la culture de la réussite qui est si forte à Brébeuf.

D’abord, les études à Brébeuf se distinguent par un niveau d’exigence élevé, connu des étudiants dès le départ, mais qui reste accessible. Les mesures d’accompagnement sont nombreuses, en particulier en première session d’études collégiales, et connues.

Ensuite, les professeurs sont hautement compétents et cette compétence demeure clairement mise au service de la réussite des étudiants. Non seulement sont-ils disponibles en cas de difficultés, mais en plus ils restent présents lors des activités parascolaires. La vie étudiante à Brébeuf est l’une des plus riches du réseau collégial québécois, sinon la plus riche, et cela devient possible grâce à l’implication de l’ensemble du personnel, en particulier grâce à celle des professeurs eux-mêmes.

L’énoncé de mission du Collège est également clair. Il nous rappelle constamment que Brébeuf ne peut viser rien de moins que l’excellence, en particulier dans la maîtrise des habiletés fondamentales. Le Collège est aussi un milieu qui encourage le perfectionnement pédagogique et le développement de nouveaux outils d’apprentissage.

Toutefois, ces forces que nous venons d’énumérer ne nous sont pas données une fois pour toutes. Il faut au contraire les gagner chaque jour. C’est dire que ce niveau d’exigence que nous imposons aux étudiants, il faut d’abord nous l’imposer à nous-mêmes. C’est là, chaque jour, notre défi. C’est cela aussi qui fait de Brébeuf, tout aussi bien pour ses étudiants que pour ses professeurs et pour son personnel, un endroit si stimulant où travailler, si agréable où vivre.

Jacques Lemaire
Directeur des études