Mathis Bourassa et Katherine Lacroix, lauréats de la bourse McEuen – Photo : courtoisie

Mathis Bourassa et Katherine Lacroix, diplômés du Collège Brébeuf, sont les deux seuls francophones depuis 1995 à avoir reçu la prestigieuse bourse McEuen de plus de 240 000 $ pour étudier à l’Université de St Andrews en Écosse. Nous les avons rencontrés pour qu’ils nous parlent de la bourse, du Collège Brébeuf, de leurs parcours… et de leur avenir prometteur.

La bourse McEuen, créée en 1974, est décernée aux étudiants canadiens âgés de moins de 21 ans pour un premier cycle complet de trois ans ou un baccalauréat spécialisé de quatre ans à l’Université de St Andrews en Écosse. La bourse de 240 000 $ environ couvre tous les frais de scolarité et de résidence. Cette bourse d’entrée renouvelable est attribuée en fonction de la réussite scolaire et parascolaire.

De Bromont au Québec à St Andrews en Écosse

Pour Mathis Bourassa, finissant au Collège Brébeuf au DEC Sciences humaines, tout commence lors d’une journée des anciens du Collège. Il a rencontré Katherine Lacroix, une diplômée en 2018 du Collège Brébeuf (DEC Sciences, lettres et arts). Elle a partagé avec lui son expérience en tant qu’étudiante à l’Université de St Andrews et lui a parlé de la bourse McEuen dont elle était la première lauréate québécoise en 2018.

« L’idée a germé dans ma tête. Plus [je faisais] des recherches sur l’université et sur la bourse, plus je [réalisais] que ce serait vraiment un choix idéal pour moi d’aller étudier là-bas, surtout dans leur programme en économie, un des meilleurs de toute l’Europe. » Mathis Bourassa

Après ses échanges avec Katherine, Mathis a donc décidé de faire une demande d’admission à l’Université de St Andrews et a ensuite posé sa candidature pour la bourse d’études. Au Collège Brébeuf, M. Guindon, professeur d’économie, et M. Beauregard, professeur d’histoire, l’ont soutenu dans ce long processus qui comporte différentes étapes, entre autres la rédaction en anglais des lettres de motivation et de recommandation.

Ils ont été « deux excellents professeurs, très gentils, qui m’ont apporté du soutien, qui m’ont rédigé les lettres de recommandation », précise Mathis.

Accepté à St Andrews en économie et lauréat de la bourse McEuen, « je me demande comment j’en suis arrivé là », ajoute-t-il. En effet, la bourse McEuen est l’une des plus difficiles à obtenir au Canada, nous explique-t-il, alors que l’Université de St Andrews se classe au 3e rang des universités du Royaume-Uni en 2020 avec un taux d’acceptation de 8,35 % en 2019-2020.

Mathis se « sent très fier », nous dit-il. Dans la famille, « on est vraiment très Québécois et francophones. Donc pour moi, c’est un accomplissement. Je viens de Bromont, j’étais en résidence à Brébeuf et je m’en vais dans une des meilleures universités au monde avec une des plus grandes bourses du Canada… C’est une expérience qui nécessite beaucoup d’humilité… J’ai très hâte de m’embarquer là-dedans, puis de la vivre à fond », précise-t-il.

Enfin, cette bourse lui « enlève le fardeau financier », nous dit-il. « Ça permettra à mes parents et à moi d’avoir quatre années un peu moins oppressantes financièrement. Ma priorité avec cette bourse-là, c’est de me concentrer sur mes études ».

De Sciences, lettres et arts à St Andrews

Au Collège Brébeuf, « j’ai tellement de souvenirs… J’ai adoré mon parcours en SLA », dit Katherine Lacroix avec les yeux émerveillés. Même si elle savait qu’elle voulait faire des sciences humaines, son parcours en Sciences, lettres et arts lui a permis d’élargir encore plus sa formation générale. Plusieurs membres de sa famille, incluant son père, son frère et elle ont reçu une formation interdisciplinaire au Collège Brébeuf. Ce type de formation « forme des citoyens vraiment ouverts sur le monde et ouverts sur les autres », dit-elle.

« Je pense que l’éducation préuniversitaire nous forme avec des connaissances générales. C’est important pour moi de les avoir, pour comprendre les gens avec qui l’on travaille ou que l’on croise au jour le jour, peu importe leur métier. Au-delà de l’utilité de comprendre le métier et la réalité des gens qui l’entourent, la formation interdisciplinaire permet à l’individu de penser horizontalement et tisser des liens productifs et inattendus entre les matières. » Katherine Lacroix

Dans le programme du DEC SLA, « les professeurs ont été incroyables. Je faisais partie d’une belle cohorte. Les autres étudiants avaient des intérêts vraiment divers », nous dit-elle.

Et cette richesse de points de vue et d’idées, elle l’a notamment retrouvée dans les projets intégrateurs des étudiants en 2e année en SLA.

« Ce sont des projets de passion! C’est toujours plaisant de monter quelque chose de A à Z, puis de faire un beau travail en équipe. » Katherine Lacroix

À cette période, pour son avenir universitaire, elle hésitait entre le droit et les sciences humaines, mais elle s’intéressait aussi aux affaires internationales et voulait étudier à l’étranger.

C’est pour ces deux dernières raisons qu’elle a fait sa demande d’admission à St Andrews. C’est grâce à l’encouragement de sa tante Cynthia Gordon, une philanthrope montréalaise d’origine écossaise, que Katherine Lacroix a eu connaissance de l’existence de la bourse McEuen.

Elle est plutôt restée discrète tout au long du processus… Un peu peut-être par humilité. Seuls Dave Anctil, professeur de philosophie, et Amélie Jackson, professeure d’anglais au Collège Brébeuf, étaient informés de sa démarche et l’ont soutenue pendant le processus.

« Cela a été un petit miracle. J’ai été très chanceuse d’être admise à l’Université de St Andrews et d’être également lauréate de la bourse McEuen », confie-t-elle. Elle pense que sa préparation aux entrevues et son aisance à l’oral ont fait la différence.

Elle avait « une longueur d’avance par rapport aux autres candidats », en tant que Québécoise se souvient-elle. Elle affirme que l’année de scolarité supplémentaire qu’offre le cégep, ainsi qu’un diplôme additionnel reconnaissant une formation interdisciplinaire rigoureuse d’une institution respectée lui ont conféré une maturité particulière.

De plus, elle se démarquait par son excellence en français dans un concours et dans un Canada surtout anglophone. Elle avait également l’habitude de parler en public lors des simulations des Nations Unies, comme Mathis Bourassa. Aussi, elle faisait « passer beaucoup d’entrevues à d’autres » étudiants quand elle était au Collège Brébeuf, et n’a donc pas été intimidée par le processus. Enfin, la nature de l’entrevue pour St Andrews était plus proche d’une discussion que d’un « interrogatoire », dit-elle avec le sourire. « Pour moi, ça fait toute la différence. C’était vraiment une expérience qui me donnait d’autant plus le goût d’aller à St Andrews. »

St Andrews : l’université pour relever des défis

Épris d’histoire, d’économie et de politique, cela « va être une expérience politiquement et culturellement très enrichissante », dit Mathis enthousiaste. « Avec la situation actuelle en Écosse à l’égard de la question de souveraineté étatique, on ne peut pas s’empêcher de voir beaucoup de ressemblances avec l’effervescence sociétale du Québec des années 80-90 », explique-t-il. Également « passionné par le côté économique de la diplomatie et de la politique », il pense que « son parcours académique en économie va [lui] permettre de gagner une certaine expertise ».

« Je vais rencontrer des personnes qui viennent de partout à travers le monde… Des gens qui ont, je pense, un parcours un peu semblable, qui réussissent bien à l’école, qui sont rendus là parce qu’ils sont capables de relever des défis et qu’ils sont habiles intellectuellement. » Mathis Bourassa

De plus, à St Andrews, l’approche de l’enseignement en économie correspond à la sienne et à sa personnalité. L’enseignement fait le lien entre les mécanismes macroéconomiques et leurs impacts sur la société.

« Je pense que la plus grande qualité d’un parcours en économie est d’être capable d’utiliser ses connaissances pour faire une différence dans la société, pour être capable justement d’améliorer les mécanismes politiques et les mécanismes sociaux. » Mathis Bourassa

Mathis précise que cette approche est dans la logique d’apprentissage du Collège Brébeuf où l’on crée « un lien entre les différentes matières avec le cours d’intégration et le cours de méthodologie ». L’objectif est que l’on sorte de la formation « avec une toile de connaissances tissées les unes aux autres » pour être « capable de vraiment les réinvestir de manière efficace dans notre travail, dans notre futur académique. La force vient de l’union de ces connaissances-là, » ajoute-t-il.

Enfin, étudier en français au collégial et en anglais à l’université, dans deux pays, deux cultures, va lui apporter « une nouvelle perspective. » Il va « être capable de voir les choses sous différents angles », nous dit-il. « Je pense qu’en tant que Québécois, on est sensible à cette différence-là », conclut-il.

St Andrews : l’université de tous les possibles

« Je suis en Écosse depuis 3 ans et puis je perds mon français », dit Katherine Lacroix en riant, et dans un français impeccable!

À l’Université de St Andrews, les deux premières années, elle a étudié en relations internationales et en histoire de l’art, programmes pour lesquels elle avait été admise. Elle avait seulement trois cours par semestre, mais « on s’attend à ce que tout ce tu remets soit publiable », précise-t-elle. C’était vraiment différent des deux années passées au Collège Brébeuf en SLA où elle « avait vraiment beaucoup de volume », se souvient-elle. Ce modèle souple correspond à sa personnalité : « c’est quelque chose que je préfère, juste parce que je suis quelqu’un de perfectionniste. J’aime faire les choses une fois, les faire bien, puis clore le chapitre et continuer ».

Pendant ses deux premières années, elle a pu choisir des cours à option. Entre autres, elle a pris des cours en littérature comparée sur le théâtre au 20e siècle, en métaphysique du temps en philosophie, et en anthropologie sociale. « J’ai découvert des domaines auxquels je n’aurais jamais touché si je m’étais enlignée directement dans un diplôme plus professionnel, comme le droit, la médecine ou la comptabilité », dit-elle avec enthousiasme.

« Ce sont beaucoup d’essais à rédiger en sciences humaines plutôt que des examens. On nous apprend vraiment à penser, à créer de la pensée originale, à discuter avec nos pairs et avec le professeur pour approfondir. » Katherine Lacroix

À la fin des deux premières années, les étudiants font le choix de la désignation du diplôme. Au début, Katherine était certaine de son choix avec les relations internationales et la politique. Mais, lorsqu’elle a assisté à son premier cours d’histoire de l’art, son choix s’est tourné définitivement vers ce domaine. « C’est ça que je veux faire : mon bac en histoire de l’art », nous dit-elle. Son changement de parcours a été motivé par le souhait d’étudier la discipline rassembleuse qu’est l’art, selon elle.

Et pourtant, lorsqu’elle étudiait au Collège Brébeuf, elle n’avait pas été exposée à cette discipline en particulier. Même si elle se souvient très bien de ses cours d’architecture avec Jean-Claude Dufresne ou d’arts visuels avec Sébastien Worsnip, elle avait « tellement eu l’impression d’avoir fait un bac en SLA […] à Brébeuf, tellement la formation était complète ». Elle ajoute : « J’étais certaine de vouloir faire quelque chose de très pratique comme en politique ou en économie, pour pouvoir tout de suite m’enligner dans une carrière » dans ces domaines.

Enfin, elle conclut : ce baccalauréat en histoire de l’art « va me permettre d’avoir d’autres idées, d’autres ouvertures sur le monde, une expérience internationale, de voyager à travers ce que j’étudie, mais évidemment aussi à travers les voyages eux-mêmes. »

Vers un avenir professionnel prometteur

Même si cela peut paraître encore un peu loin, Mathis Bourassa a déjà pensé à son avenir universitaire et à son plan de carrière. Il souhaite dans quatre ans aller faire une maîtrise en politiques publiques ou en relations internationales « dans une université américaine de la Ivy League » ou ailleurs dans le monde anglophone, dit-il avec enthousiasme.

Professionnellement, il se voit travailler dans les relations économiques internationales et les échanges commerciaux ou encore travailler dans le développement économique et social aux Nations Unies.

À long terme, « j’aimerais me lancer en politique au Canada, au fédéral ou au provincial », nous dit-il. Il compte ainsi utiliser ses connaissances et son expérience en économie dans un cadre sociétal, entre autres pour s’attaquer à des problèmes comme les inégalités socio-économiques. « Comment est-ce qu’on fait pour avoir des filets sociaux qui sont économiquement rentables, économiquement réalistes, tout en permettant d’avoir justement une société plus égalitaire? » Pour lui, le politique et le social sont très liés à l’économie. Il est donc important de faire des ponts entre ces domaines-là.

Quant à Katherine, elle reste encore très ouverte sur son avenir professionnel. « Cela va dépendre de quelle opportunité s’offre à moi… Puis peut-être de ma vie personnelle. » Une chose est sûre, elle compte rester en Europe un peu plus longtemps.

Elle envisage de faire une « maîtrise en histoire de l’art ou des études en droit », nous dit-elle. « Parce que ce qui m’intéresse, ce sont les questions de gouvernance culturelle, de gouvernance des institutions culturelles. » Elle a déjà une vision claire de la culture et aimerait que l’on puisse « la voir non seulement comme un reflet de notre société, mais aussi comme quelque chose de pratique dans lequel on s’engage tous les jours. »

Pour elle, l’art et la culture promeuvent les valeurs de paix et de démocratie. « Il y a beaucoup d’activisme social qui se fait à travers l’art et la culture. C’est essentiel selon moi d’intégrer ces trames narratives à notre conception de l’essentiel de la société, de comprendre l’art comme domaine actif et créatif de nos tissus sociaux. »

« On a vraiment de belles institutions culturelles, surtout à Montréal. J’ai toujours eu l’impression qu’à travers mon parcours à Brébeuf, les arts et la culture [ont été valorisés] au plus haut point. » Katherine Lacroix

Katherine ajoute : « Ce respect de la culture comme formatrice des sociétés m’a certainement encouragée à me diriger vers un diplôme des ”humanities”, domaine parfois mis de côté dans cette ère où l’on pousse les jeunes vers des diplômes professionnels dès un jeune âge. Je suis si reconnaissante pour le mécénat de la bourse McEuen dans mes études de premier cycle, sans laquelle je ne me serais probablement pas tournée vers cette discipline dont je suis si passionnée, et certainement sans laquelle je n’aurais pas eu le temps de me dévouer à des œuvres caritatives dans l’enfance de ma carrière. C’est d’une grande importance pour moi de défendre les arts, et le programme de Sciences, lettres et arts à Brébeuf a certainement nourri cette passion. »

C’est pourquoi elle souhaite « revenir au Canada, que ce soit dans 10 ans, dans 20 ans. » Elle conclut : « C’est certain : je vais revenir m’intéresser à la politique ici, puis à la culture ici… Sans l’ombre d’un doute. »