Le 31 octobre 1959, des documents sont encapsulés dans un cylindre en métal emmuré au Collège Brébeuf. Le 23 janvier 2019, la capsule temporelle est retrouvée par hasard.
L’exposition Capsule temporelle se tient à la bibliothèque de la Compagnie de Jésus (BCJ) du 27 mai au 16 septembre 2019. Elle présente les différentes pièces encapsulées et des documents présentant le contexte.
Un texte de Marc Umba, responsable de la bibliothèque de la Compagnie de Jésus (BCJ)
Qu’est-ce qu’une capsule temporelle ou time capsule?
Les capsules temporelles sont des référentiels, des collections spéciales artificielles, qui commémorent un bâtiment, un événement ou une époque. Ils sont enterrés délibérément en leur attribuant une date cible pour les desceller.
Certains ont même tenté d’enregistrer la vie culturelle et les connaissances techniques de toute une civilisation.
Les capsules temporelles peuvent être des tentatives de transfert d’information importante à travers des siècles et des millénaires, mais elles révèlent également des vestiges culturels populaires de notre époque.
Source : William E. Jarvis, «Modern Time Capsules: Symbolic Repositories of Civilization», Libraries & Culture, vol. 27, n°3, Summer 1992, p. 279 – Traduction
Une capsule temporelle peut être intentionnelle ou non intentionnelle.
La capsule temporelle du Collège Jean-de-Brébeuf de 1959 est intentionnelle
Selon les dix pièces encapsulées le 31 octobre 1959, le but de la capsule enfouie dans le mur à l’entrée du Pavillon Gabriel Lalement était de marquer la bénédiction et l’inauguration de ce pavillon alors tout nouveau :
« [o]n se rendit ensuite près de la porte principale du Pavillon; là, un cylindre de métal contenant les documents officiels de la bénédiction et de l’inauguration, un plan du nouvel édifice et quelques autres pièces fut scellé dans la pierre angulaire. » Nouvelles de la Province du Bas-Canada [de la Compagnie de Jésus], 38e année, n°11, novembre 1959, p. 169.
Même si elle n’a pas indiqué de date d’échéance, la capsule de 1959 est intentionnelle dans la mesure où elle a pris les moyens d’enfermer dans une boîte de cuivre des documents marquant de manière solennelle l’inauguration et la bénédiction du nouveau pavillon construit de 1956 à 1959.
D’autre part, la boîte fut placée délibérément à un endroit précis dans le mur du bâtiment. De l’extérieur de l’immeuble dont l’entrée donne sur la porte 5625, avenue Decelles, on peut observer que la capsule fut placée derrière la pierre angulaire portant la mention « A. D. + 1956 » (Année bénie du Seigneur 1956). Cette date rappelle le début de la construction.
Pour ces deux raisons, cette capsule est bien intentionnelle.
60 ans plus tard, la capsule temporelle est retrouvée
Le 23 janvier 2019 à 20 heures, la capsule est trouvée par M. Yassine Bahlaouani, mécanicien de machinerie fixe et employé du collège. Il tentait de repérer la source d’une fuite d’eau qui suintait du mur près de la porte d’entrée du collège sise au 5625, avenue Decelles (porte 1).
Pour ce faire, il sonda le mur à trois endroits différents. Cela explique les trois perforations qu’il dut pratiquer dans le mur. Il en résulte trois trous alignés verticalement sur le mur interne à l’entrée du collège.
Ayant découvert la capsule dans un de ces trous dans le mur près du tuyau perforé, il la descella. Surpris et intrigué par le contenu de la capsule, il remit tous les documents aux autorités du collège.
Le collège vient d’ajouter des pièces de grande valeur à son histoire. La source de la fuite d’eau fut colmatée et la source des documents historiques archivée.
Que comprend l’exposition de 2019 sur la capsule temporelle de 1959?
L’exposition Capsule temporelle se tient à la bibliothèque de la Compagnie de Jésus (BCJ) du 27 mai au 16 septembre 2019.
Elle présente :
- le cylindre de cuivre (26 x 12 cm) ayant servi de capsule en 1959,
- les dix documents autrefois enroulés et contenus dans la capsule : quatre textes sur l’événement du 31 octobre 1959 et six photos des personnages officiels ayant présidé ou participé à la cérémonie.
L’exposition montre également deux photos du mur et du trou où la capsule fut trouvée le 23 janvier 2019 de même que trois documents de la BCJ sur le collège Jean-de-Brébeuf, qui remontent respectivement à 1953, à 1961 et à 1991.
Si l’on se projette soixante ans dans l’avenir, quelles questions pourrait-on se poser sur le collège Jean-de-Brébeuf?
Institution d’enseignement catholique fondée par l’ordre religieux des Jésuites en 1928, le collège Jean-de-Brébeuf ne formait au début que les garçons.
Il n’était à l’origine qu’une école de niveau secondaire puis s’est ajouté un niveau collégial au moment de la création des Cégeps. Autrefois connu comme un collège d’humanités classiques, le collège s’est adapté aux temps. À l’inauguration du pavillon Gabriel Lalement en 1959, le représentant du gouvernement du Québec, « l’honorable Prévost fut chaudement applaudi lorsqu’il annonça qu’on pouvait espérer pour bientôt une aide statutaire du gouvernement aux institutions d’enseignement secondaire » (Nouvelles de la Province du Bas-Canada [de la Compagnie de Jésus], 38e année, n°11, novembre 1959, p. 169).
En outre, si les premiers noms féminins apparurent dans le personnel enseignant de Brébeuf en 1963-1964, la mixité fut progressivement introduite pour les élèves dans le cadre d’une entente entre Brébeuf et l’École Délia Tétrault, entente allant de 1962 à 1970. En 1969-1970, les filles sont admises avec les garçons en Secondaire V. Enfin, depuis l’automne 2013, le Pavillon Vimont, où résidait autrefois la communauté des jésuites, fut transformé pour accueillir des classes des filles à partir de la première année secondaire. La première cohorte des filles vient d’achever sa première année du cours collégial en 2018-2019.
Que faire aujourd’hui sinon au moins réfléchir?
Des programmes ambitieux, notamment le baccalauréat international (BI), sont offerts au cours collégial.
Créé en 1928, le collège célébrera son centenaire en 2028. C’est dans neuf ans à peine! Regardez alors un peu plus loin dans l’avenir et imaginez de quoi sera fait ce collège dans 60 ans, c’est c’est-à-dire en 2079.
- Le tableau noir et la craie seront-ils encore utilisés?
- Que sera devenu le tableau blanc interactif?
- À quel point les outils informatiques auront-ils transformé notre manière de communiquer, d’apprendre et d’enseigner?
- La calligraphie sera-t-elle encore exigée pour la prise de notes et la rédaction des examens?
- Aurons-nous encore des raisons de nous interroger sur la mixité dans nos salles de classe?
- Les murs mêmes du collège seront-ils toujours debout?
À un moment où des élèves du secondaire sèchent des cours pour interpeller les adultes et faire valoir l’urgence de la question environnementale, il importe de relire Anna Arendt :
« C’est également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de ce monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer à la tâche de renouveler un monde commun. » Anna Arendt, La crise de la culture.
Dans « un présent pour le futur », la capsule temporelle de 1959, découverte en 2019, nous oblige à nous transposer en 2079. C’est une belle occasion offerte aujourd’hui pour revisiter le passé et nous figurer mentalement l’avenir.
- Pour plus d’information, voir la page de la bibliothèque de la Compagnie de Jésus (BCJ)
- La BCJ est ouverte au public du lundi au vendredi : de 8 h 30 à 12 h et de 13 h à 16 h 30 et fermée de 12 h à 13 h.